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Comp彋ition
Une charge boulets rouges
Michael Moore revient sur la Croisette avec un documentaire brant sur la politique 彋rang鋨e de George W. Bush.

Farenheit 9/11, de Michael Moore

尒ats-Unis, 1 h 52

Envoy嶪 sp嶰iale.

La salle cannoise qui projette en avant-premi鋨e le film de Michael Moore est prise dssaut, tout comme la projection qui se tient au Palais du Festival. Il est vrai que le cin嶧ste collectionne les prix depuis Roger et Moi, r嶧lisen 1989. Cannes, en 2002, lui remettait le prix du 55e anniversaire du Festival pour Bowling for Colombine. La silhouette de Michael Moore, qui intervient lmage dans ses enqu皻es documentaires, est largement famili鋨e et le public qui le croise n廥ite pas lui taper dans le dos. M嶮aille et revers de lumour au vitriol qul distille.

Farenheit 9/11 nn manque pas, mais ce nst pas ce qui caract廨ise cette enqu皻e implacable sur le gouvernement de George Bush et sa politique depuis le 11 septembre 2001, jusquux grandes horreurs de la guerre drak, qui, en effet, sccommoderaient mal de toute ironie, f-elle grin蓷nte. Michael Moore, comme toujours, en r廥erve les traits les plus cinglants aux puissants et leur cynisme. La galerie de portraits en plans serr廥 qul nous livre des membres de ldministration Bush ne leur fait pas de cadeau. Michael Moore, qui a choisi pour point de d廧art llection controvers嶪 de George Bush Junior, en d幦onte dbord les frauduleux rouages. Au rythme de la musique blue grass typique des " white asses " (culs blancs) du Texas, on suit lrnaque pas pas. Les 幨幦ents dnqu皻e sncha螽ent dans le montage rapide propre au cin嶧ste. Sans pr嶰ipitation pourtant lorsqul montre comment les 16 000 Afro-Am廨icains de Floride priv廥 de leur droit de vote voient leurs plaintes rejet嶪s. Il nous rappelle aussi que pour la premi鋨e fois dans listoire des 尒ats-Unis, le traditionnel cort銶e pr廥identiel qui parcourt les rues le jour de lnvestiture a d皻re annulen raison du nombre de protestataires en col鋨e. Et la limousine du pr廥ident sous des tirs dufs pourris nst pas le moment le plus triste du film. Les visages de George Bush, Dick Cheney, Colin Powell ou Condoleezza Rice pourront ensuite parler dux-m瘱es.

Alors que Michael Moore, dans une foule, se pr廥ente George Bush, celui-ci snfuit comme sl avait ses trousses lxe du mal tout entier. Non sans avoir conseillau r嶧lisateur " de se tenir tranquille " et de " chercher un vrai travail ". On dirait bien que Moore a d嶰idde le prendre au mot.

Le jour oles 尒ats-Unis basculent vers la terreur, Michael Moore laisse longtemps un 嶰ran noir. Le fracas des tours qui sffondrent, les hurlements, les sir鋝es font seuls image. Et quand cette derni鋨e revient, les cris sont muets. De ce moment, le film va stendre tout le syst鋗e politico-financier qui va conduire bombarder lrak. Moore sttarde une derni鋨e fois sur la m嶮iocritpersonnelle - d嶴largement d憝oil嶪 en images et interviews de presse - dn George Bush peu pressde srracher aux flashs m嶮iatiques qui suivent sa visite dans une 嶰ole primaire de Floride, tandis que ses conseillers llertent que le pays est en 彋at de guerre.

On change de registre. Les liens quntretient la famille Bush avec la famille Ben Laden et lrabie saoudite sont scrupuleusement 彋udi廥. On apprendra par exemple que les Ben Laden investissent des sommes consid廨ables dans lrmement am廨icain par le biais de la soci彋Carlyle dont le conseil ddministration compte, entre autres, George Bush p鋨e. Les investissements de la famille Ben Laden aux 尒ats-Unis sont estim廥 un total de 860 billions de dollars, soit environ 7 % de lconomie boursi鋨e du pays. On comprend leur 憝acuation en jet privau lendemain du 11 septembre. Et beaucoup dutres choses. Lorsque Michael Moore filme la fa蓷de de lmbassade saoudienne, les agents des services secrets surgissent du trottoir. On ne va pas rire longtemps.

Le parcours de la terreur " antiterroriste " qui va abattre son d幨uge de feu sur lfghanistan puis sur lrak en donnera peu lccasion. Tout au plus quelques rires nerveux quand les chefs taliban sont re蓰s comme des princes lccasion dne visite officielle aux 尒ats-Unis pour finaliser le contrat de " pipeline magique ". Il va alimenter les finances du groupe Halliburton que pr廥ide Dick Cheney, et celles du principal argentier de la campagne 幨ectorale de George W. Bush. Plut矌 que de revenir sur le tissu de mensonges d嶵it廥 par ldministration am廨icaine afin de justifier la guerre en Irak, Michael Moore pr嶨鋨e explorer la mani鋨e dont lpinion publique a 彋manipul嶪. On retrouve lles proc嶮廥 d嶴utilis廥 dans Bowling for Colombine. Spots publicitaires d幨irants de fabricants de " parachutes sp嶰iaux pour schapper dn gratte-ciel " ou de " chambres fortes de protection personnelle " dans lesquelles on peut d嶲uster un bordeaux et attendre la fin du chaos ext廨ieur. Les t幨憝isions, Fox TV en t皻e, d幨ivrent un flot de propagande alarmiste qui incite chacun se m嶨ier de tout et de tous. Les r嶰alcitrants sont plac廥 sous haute et basse surveillance par le patriot act, loi que visiblement aucun d廧utn lue avant de la voter.

Michael Moore ne nous 廧argne rien de la guerre, des cadavres aux enfants en charpie. Les soldats am廨icains se bouchent les oreilles en branchant sur leurs chars les lecteurs de CD. Moore nous ram鋝e alors Flint, sa ville natale du Michigan, qui film apr鋊 film constitue le centre de son monde social et cin幦atographique. Aux cris des m鋨es irakiennes r廧ondent ceux des m鋨es am廨icaines lorsqulles entendent au t幨廧hone le terrible : " Madame, lrm嶪 am廨icaine est d廥ol嶪 dvoir vous annoncer. " Du g幯廨al au particulier, peur douleurs et incompr嶭ensions de tous se d嶰linent au singulier.

Pendant ce temps, les recruteurs des marines alpaguent les jeunes pauvres, noirs, ou les deux, sur le parking du supermarchpopulaire du coin et jusqu la cantine du lyc嶪. Flint, un taux de ch獽age r嶪l 憝alu50 % par les travailleurs sociaux. Les jeunes de la ville aimeraient " aller normalement la fac, sans 皻re oblig廥 de risquer notre vie pour pouvoir nous le permettre ". Ceux du front ne savent plus oils en sont. Les sept mille bless廥 et mutil廥 sont losto. George Bush vient de r嶮uire les salaires des soldats de 33 % et lide leurs familles de 60 %. Le long des cent cinquante kilom鋈res de c矌es de lregon, faute de budget, un seul agent de patrouille veille la s嶰uritdn pays censtrembler sous la menace terroriste. Des hommes dffaires se r徼nissent au si銶e de Microsoft autour du th鋗e de " la reconstruction de lrak ". Selon Gordon Berden, du groupe Kalmar Inc. : " Aucun endroit du monde nst plus ouvert au business, ouvert aux nouveaut廥 que lrak. "

La charge de Michael Moore est brutale. On comprend les h廥itations de Disney laisser sa filiale Miramax le diffuser au pays du pr廥ident Bush. Lm廨ique pourra n嶧nmoins le voir d鋊 ao prochain. Le monde entier a tout int廨皻 savoir quelle sauce on le mange. Michael pr嶰ise la recette.

Dominique Widemann



Article paru dans l'嶮ition du 18 mai 2004.






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